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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 23:33

Vous le savez déjà, le cours du soja s'est considérablement renchéri. L'an passé, le cours des contrats future a gagné 69%. Le 3 mars dernier, le contrat le plus actif sur le Cbot atteignait un record absolu à 15,86 $ le boisseau sur le Cbot.

Chacun pousse ses pions à tour de rôle
La réaction des agriculteurs a été immédiate : ils ont décidé de consacrer plus de surfaces agricoles au soja, au détriment notamment du maïs. Sur ce grand échiquier des matières premières, où chacun pousse son pion à tour de rôle, la réaction des investisseurs a découlé de celle des agriculteurs : ils ont forcément anticipé une hausse de la production pour la prochaine saison, ce qui a fait baisser le cours du soja jusqu'à 12 $ fin mars.

Depuis dix jours le soja rebondit, venant toucher les 14,69 $ le boisseau livraison juillet, sur le Cbot hier.

Depuis quelques semaines, les tensions viennent de l'Argentine
Les agriculteurs et le gouvernement s'y livrent un bras de fer interminable. Agriculteurs, et maintenant éleveurs, s'opposent aux taxes à l'exportation instaurées à l'automne dernier par le pouvoir en place.

Objectif de ces taxes ? Réduire les exportations en vue de garder la récolte pour les besoins du pays en priorité, et lutter contre l'inflation.

Mettez-vous à la place des agriculteurs qui n'ont donc pas accès aux prix élevés constatés sur les marchés internationaux, et vous comprendrez leur colère. Le gouvernement a certes fait un pas dans leur sens, en réduisant légèrement ses taxes. Mais les grèves et manifestations continuent, l'effort étant jugé insuffisant à leurs yeux.

Qui sont à votre avis les principaux bénéficiaires de cette lutte intestine ?
Les agriculteurs américains s'en frottent les mains ! Le soja argentin n'étant pas compétitif pour cause de taxation, les importateurs se sont massivement tournés vers les Etats-Unis, l'autre grand exportateur de soja. Et force est de constater qu'ils ont été dévalisés !

Jamais les Américains n'ont exporté autant de soja. Depuis le début de la saison, les exportations sont en hausse de 3,1%, à 29,72 millions de tonnes. Même constat pour l'huile et la farine de soja, dont les exportations ont doublé sur la même période pour la première, et grimpé de 6,9% pour la seconde.

Les stocks s'amenuisent méchamment
Le souci majeur, c'est que les stocks se vident de plus en plus. Selon l'USDA, à la fin de la saison, les stocks américains de soja seront inférieurs de 75% au niveau des stocks enregistré à la fin de la saison dernière.

La nouvelle récolte sera-t-elle suffisante ?
A priori oui. Comme je vous le disais plus haut, les agriculteurs américains ont cette année augmenté de 17,6% les superficies agricoles consacrées au soja. C'est beaucoup.

Selon Morgan Stanley, la forte demande pour le soja, renforcée par la hausse de la demande des éleveurs (qui se détournent du maïs devenu trop cher), devrait tout de même laisser à la fin de la prochaine saison quelque 185 millions de tonnes de soja en stock -- soit une hausse de 27% du stock par rapport à son niveau actuel.

Voila pourquoi le cours du soja stagnait ces derniers temps, la marge de progression à la hausse étant relativement limitée à court moyen terme (à long terme, je suis positive sur le soja).

La météo pourrait s'en mêler et semer le trouble
Pour être franche avec vous, les premiers incidents climatiques pointent le bout de leur nez. Dans les grands états producteurs de soja (centre-ouest américain), à commencer par l'Iowa, il fait actuellement trop froid, mais surtout il pleut de trop.

Voilà pourquoi seulement 52% des semis ont été réalisés à fin mai, contre 74% l'année précédente et 67% en moyenne sur les cinq années précédentes à la même époque. Pas terrible...

De même, dans les 18 états américains producteurs de soja, seulement 12% du soja a percé, contre 34% en moyenne sur les cinq dernières années à la même époque.

La nature a du retard, et cela risque de nuire au rendement. 23 millions d'acres restent toujours à planter. Pourvu que la météo soit plus clémente.

L'Amérique du Sud doit accroître sa production
Toujours selon le rapport de Morgan Stanley, le Brésil et l'Argentine devraient augmenter leur production nationale. Le niveau des stocks américains est bas et la demande des pays importateurs est de plus en plus forte. Il y a urgence.

Pour répondre à une hausse de la demande mondiale de soja de 3% l'an, il faudrait consacrer 14 millions d'acres supplémentaires au soja. Si la hausse devait atteindre 6% l'an, il faudrait accroître les surfaces consacrées au soja de 18 millions d'acres au moins.

Pour cela, les agriculteurs brésiliens ont besoin de cours plus élevés !
La surface nécessaire aux plantations est disponible en Amérique du Sud. Le problème n'est pas là. Où est-il ?

Laissons un instant de côté l'Argentine, où l'extension des surfaces dépend de la politique de taxation des exportations du gouvernement. Tant que les pouvoirs publics et les agriculteurs seront dans la confrontation, le problème ne sera pas résolu.

Tournons-nous vers le Brésil. Le problème là-bas est le suivant : les coûts de production se sont envolés et sont très élevés. Malgré la hausse du cours du boisseau de soja sur le Cbot, les coûts de production sont tels qu'il n'est pas rentable pour les agriculteurs brésiliens de se lancer dans un accroissement de leur production de soja. Leur marge est tout simplement trop faible.

En cause, des coûts exorbitants
Comme tous les producteurs mondiaux, les Brésiliens subissent de plein fouet la hausse des prix des engrais et pesticides.

Autre problème : l'insuffisance des infrastructures. N'oubliez pas que le Brésil est grand comme l'Europe. Son réseau routier ne couvre pas suffisamment bien son territoire, d'où des coûts de transport très élevés.

En moyenne, conduire la récolte de soja des champs de l'état de Matto Grosso jusqu'au port de Santos, où la récolte est chargée, coûte entre 3 $ et 4 $ en moyenne par boisseau.

Bien sûr, le Brésil investit considérablement dans son infrastructure depuis peu. La situation se sera considérablement améliorée d'ici cinq ans. Mais d'ici là, le coût du transport reste un handicap majeur.

La hausse du prix du pétrole et donc du carburant est un autre souci. Il faut bien faire tourner les tracteurs et autres engins agricoles.

Source : L'Edito Matières Premières 10/06/08

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