Andrée Defois, agroéconomiste et présidente de Tallage*, bureau spécialisé dans le marché des matières premières agricoles, table sur
une baisse des prix des céréales françaises dans les prochains mois, si les prévisions de semis se confirment.
Les cours des céréales ont atteint des sommets ces derniers mois, faut-il s'attendre à une baisse dans les mois à venir ?
Si les prévisions de récolte à la hausse en Europe et dans d'autres régions du monde se confirment, nous pensons effectivement que
les prix des céréales vont s'affaisser. S'il n'y a pas d'accidents climatiques majeurs et seulement à cette condition, nous prévoyons que le bilan mondial sera moins tendu pour la campagne
2008-2009 qu'il ne l'est actuellement pour la campagne 2007/08. En Europe, l'offre sera importante, et malgré une consommation européenne attendue en hausse (en prenant en compte la demande en
bioéthanol), l'UE risque de se retrouver avec un surplus de céréales même après un bon programme à l'exportation.
Le premier travail, pour le blé notamment, sera donc de générer de nouveaux débouchés, d'abord dans les aliments pour animaux européens où, aux prix actuels, le blé n'est pas très attractif ; il
n'est pas certain que cela suffise. Il faudra alors trouver de la demande additionnelle sur le marché mondial ce qui impliquera une baisse des prix du blé vers le prix de la céréale mondiale la
moins chère, c'est-à-dire le maïs américain qui se situe aujourd'hui aux alentours de 150 euros la tonne.
A plus long terme, allons-nous rester sur un trend haussier ?
Du fait de l'accroissement de la demande mondiale, notamment en Inde ou en Chine, les prix des céréales devraient rester élevés pour
les prochaines campagnes, supérieurs à la moyenne des dix dernières années. Ainsi, les prix ne redescendront pas aux niveaux que l'on connaissait il y 2 ou 3 ans en arrière car les stocks sont
faibles et il faudra plusieurs campagnes pour qu'ils retrouvent un niveau relativement élevé.
Néanmoins, ils sont attendus en baisse par rapport au pic de 2007/08. En effet, il ne faut pas oublier que la campagne 2007-2008 reste atypique car marquée par une conjonction d'incidents dans
plusieurs régions du monde qui ont exacerbé le déséquilibre entre l'offre et la demande. Mais il n'y a pas de raisons majeures pour que cette conjonction d'accidents climatiques se reproduise
chaque année ; l'on devrait donc assister à une détente par rapport à 2007/08.
Quoi qu'il en soit, on restera dans une situation fragile et le moindre pépin climatique important dans une région exportatrice de céréales peut tout remettre en question.
Les fonds de placements sont soupçonnés de contribuer à la flambée des cours des matières premières agricoles. Qu'en pensez-vous
?
Évidemment, les prises de position des financiers se sont accrues sur le marché des matières premières agricoles et ces acteurs ont
contribué à la hausse des quantités échangées sur les marchés à terme de matières premières, notamment sur Euronext . Ces nouveaux intervenants sont attirés par l'accroissement de la volatilité
du prix des céréales, source pour eux de profits potentiels (les cours varient parfois de plus ou moins 15 euros par tonne et par jour, soit autant que l'amplitude de prix que l'on connaissait
les années précédentes sur une année entière.
Ces nouveaux intervenants contribuent à accroître la volatilité des prix car ils peuvent intervenir massivement et dans le même sens à l'achat ou à la vente. Néanmoins, les sommets atteints sur
Euronext en blé cette année ont plutôt été le fait d'opérateurs commerciaux traditionnels que des intervenants financiers.
« Le moindre pépin climatique important dans une région exportatrice de céréales peut tout remettre en question. »
Source : auteur Sophie Caron 20/03/08